Kathleen DEAN MOORE est prof de philo, mais aussi entièrement dédiée à la vie de la nature. Ce petit bouquin est un condensé de sa profession et de sa passion. Cet essai nous montre l’autrice proche, très proche de sa famille. Aussi, elle nous entretient de ses liens, des souvenirs familiaux, du CV de ses parents (sa mère a publié des guides nature, la pomme ne tombe jamais loin de l’arbre). Elle-même compte transmettre son savoir à ses enfants et agit quotidiennement en ce sens.
Le métier de Kahtleen DEAN MOORE c’est la philo, aussi elle pense le monde à la manière d’une philosophe, y compris en observant la nature. Parallèlement, elle nous parle de cette nature avec empathie, nous délivrant des informations originales et frappantes : « Dans une meute, chaque loup hurle dans une tonalité différente afin que la meute rivale puisse les dénombrer, et il arrive qu’ils changent de ton au beau milieu d’un cri pour faire croire qu’il sont plusieurs ».
DEAN MOORE scrute ce qu’elle voit puis partage son point de vue ou son état d’esprit, esprit par ailleurs jamais très loin de la poésie : « Quelques heures après le crépuscule, un ciel luminescent domine la falaise, là où se lèvera la lune. Déjà les spires du canyon luisent d’un éclat blanc. Les chauves-souris batifolent au-dessus de l’eau, guettant l’écho des insectes. Puis la face lunaire passe la paroi du canyon et chaque plateau de roches et de pierres éboulées apparaît, nu et blanc, comme esquissé par son ombre au clair de lune ».
Dans ce que l’on pourrait définir comme un recueil de chroniques brèves, l’autrice met en scène les oiseaux, les loups, les loutres, les poissons, les ours, les algues, les insectes, les cours d’eau, les orages, fait référence aux philosophes de la Grèce ancienne, à la mythologie. Mais c’est sa famille qui revient le plus souvent, dans des anecdotes légères ou sordides, des questionnements existentiels, ceux qui lancent des migraines et qui parfois se règlent devant un paysage verdoyant, mais aussi ceux qui n’offrent aucune solution. Par exemple, l’autrice doit-elle soulager les atroces douleurs de son père en ordonnant une euthanasie ou non ? Où est le sens de la vie ? La souffrance en est-elle une résultante obligatoire ? Kathleen DEAN MOORE s’interroge sur la fibromyalgie de sa fille, sur le deuil, familial notamment, sur la foi, le tout au sein d’une famille omniprésente dans le récit.
Le but recherché ici se nomme héritage, celui des valeurs de la nature comme humaines, celui de l’interrogation perpétuelle. L’autrice veut que ses enfants se posent les bonnes questions au bon moment tout en témoignant d’un profond respect pour la nature et l’environnement. Elle est lucide devant les ravages de la déforestation, livrent certains faits divers qui là aussi amènent des interrogations. Ce traité est à lire tranquillement, chapitre par chapitre, afin de s’imprégner au mieux de la sève qui en découle. Il était à l’origine la 3e publication de la majestueuse collection Nature writing de Gallmeister en 2006, les mêmes Gallmeister qui proposent aujourd’hui une version poche – sortie en 2020 dans la collection Totem – du texte traduit par Camille FORT-CANTONI.
(Warren
Bismuth)
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