Une fois n'est pas coutume, c'est en
glandant sur Facebook que je tombe sur une réclame d'Actes Sud à propos d'un
roman de Lize SPIT, « Débâcle », sorti début février de cette année.
Si le titre m'inspire tout de suite – et ma lecture confirmera cette adéquation
entre contenu et première accroche – la couverture en elle-même ne retient pas
mon attention. D'ailleurs, en lisant les premiers avis, lacunaires, sur la page
de l'éditeur, je vois qu'elle n'a pas fait l'unanimité du tout. Passons. Dans
ces avis, je lis des choses comme « roman perturbant », « je
m'interroge sur l'intérêt d'écrire des horreurs pareilles », « glauque ».
Forcément je devais m'y frotter pour me forger une opinion, et manifestement,
j'allais être épargnée des mièvreries que je déteste, joie à venir, donc.
L'histoire : un groupe de pré-ados dans
un village rural de la Belgique flamande. Ça fleure bon le commerce de
proximité, la ferme agricole et les rigolades à vélo, le tout sous un soleil de
plomb. Les 3 mousquetaires comme ils se surnomment, Eva, Pim et Laurens,
passent leurs vacances d'été 2002 ensemble, pour la dernière fois.
Le livre s'ouvre sur une Eva adulte (grosso
modo en 2015) qui reçoit une invitation de la part de Pim, pour commémorer
l'anniversaire de la disparition de son frère. Elle décide de s'y rendre, avec
une idée derrière la tête... En chemin, elle se remémore cet été 2002 et fait
aussi remonter à la surface des anecdotes un peu antérieures à cette période.
Mon avis : on va commencer, pour une
fois, par plusieurs avertissements, du type TW (trigger warning). Je ne
suis pas particulièrement sensible littérairement parlant (le seul roman à
m'avoir vraiment remuée tout au fond, c'est « Les Bienveillantes » de
LITTELL), néanmoins certains passages méritent que l'on prévienne les
lecteur-ices quant à la violence évoquée. [TW] suicide, viol, fosse à purin
(oui oui) : si ces sujets vous touchent, passez votre chemin, ils sont
récurrents et le récit commence presque directement là-dessus.
La narration n'est pas forcément évidente,
bien que la langue soit parfaitement accessible. Eva nous raconte à la fois
l'été de ses 13 ans, certaines anecdotes avant cet été là (notamment ce qui
concerne décembre 2001 mais aussi le passage à l'an 2000) et le tout est imbriqué
dans l'action présente. La narratrice se dévoile dans sa vie d'adulte, ses
échecs et raconte ce retour particulier à Bovenmeer (le patelin où vous ne
voulez pas passer vos vacances). Le livre est bien découpé, les dates sont
indiquées en début de chaque chapitre, sinon c'est un titre concernant une
anecdote précise, il est donc aisé, en étant un peu attentif, de se repérer.
Ce qui s'impose à moi, en refermant le
bouquin, c'est que tout était prévisible, l'introduction présage la fin,
immédiatement, mais l'on a du mal à estimer jusqu'où l'auteure va aller dans le
sordide.
La famille d'Eva est pudiquement ce que l'on
pourrait qualifier de famille dysfonctionnelle : un père malsain (première
scène avec Eva dans le livre), une mère alcoolique (une scène mémorable lors
d'une fête de village), un grand frère solitaire passionné d'insectes (qui a
tué sa jumelle en plus et donc condamne sa mère à la dépression), une petite
sœur avec des TOC, anorexique et anxieuse à l'extrême. Eva trouve donc refuge
chez ses deux amis avec lesquels elle tue ses journées (lesdits amis pas
beaucoup plus gâtés par la nature question famille) en inventant des jeux
discutables chers aux ados (heureusement que ce n'est pas une généralité), donc
pas futés, mais tellement possibles (et ça, ça fait flipper).
L'écriture est froide, glaciale comme une
journée de décembre passablement humide en Belgique, l'ambiance grimpe
crescendo. Il y a des passages très durs dans le dernier quart du livre, mais
l'auteure a su doser, en choisissant les bons mots et sans surenchère. Les
personnages sont développés assez finement, on les aime et on les déteste car
on se souvient combien ils peuvent être méchants entre eux, et cruels surtout.
Ça m'a un peu fait penser – avec une narration différente – à « 13 reasons why », la série,
adaptée du livre de Jay ASHER, sauf que ce dernier est considéré comme un
ouvrage de littérature jeunesse. Ambiance parfois proche aussi du film « Festen »
de Thomas VINTERBERG de 1998. On ne laissera pas « Débâcle » entre
les mains de jeunes ados, non non.
Le tout est d’une tristesse absolue,
finalement on ne souhaite l'adolescence à personne.
Moi qui aime la littérature comme le café,
noire et sans sucre, j'ai été servie. Foncez.
(Emilia SANCTI)
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