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mardi 27 mars 2018

TREVANIAN « L’été de Katya »


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Quand on ouvre un roman de TREVANIAN, on ne sait jamais vraiment ce que l’on va y trouver tellement il a su dépeindre des atmosphères toujours différentes : polar avec « La sanction » et « L’expert », espionnage avec « Shibumi » ou western cynique avec « Incident à Twenty-Mile ». Ici, dans un même ouvrage, l’ambiance est tour à tour gothique, cynique (bien sûr, l’une des « pattes » de l’auteur), historique, puis se fait thriller psychologique. Peu de traductions de TREVANIAN sont disponibles sur le marché, donc un bon conseil, profitez-en bien !

Après son succès lors de ses études de médecine Jean-Marc Montjean le narrateur se repose dans son village du Pays Basque. Il tombe sur Katya Tréville, une jeune femme dont le frère Paul vient d’avoir un accident de bicyclette. Nous sommes durant l’été 1914, la paix règne encore en Europe. En allant ausculter le frangin, Jean-Marc voit immédiatement que Katya et lui sont jumeaux. Rapidement Paul se révèle d’un cynisme fou (« Il n’y a rien de plus répandu que de se croire unique » lance-t-il à Jean-Marc) et accessoirement très possessif concernant sa sœur. Au fil du livre on va apprendre pourquoi il la protège autant. Quant à la mère, elle est morte en les mettant au monde. Tous deux vivent avec leur père, un vieux bonhomme médiéviste et passionné de vieilles légendes avec lequel Jean-Marc sympathise tout de suite. Mais le charme discret de Katya lui fait rapidement tourner la tête, il va s’éprendre d’elle. Cependant, Paul veille. Le vieux père Tréville ne doit jamais apprendre que Jean-Marc ressent de l’amour pour Katya. Alors que ses sentiments sont à leur apogée, le docteur GROS l’informe que la famille Tréville va quitter à jamais le Pays Basque.

Un roman qui commence lorsque le narrateur revient dans sa région natale après 25 ans, soit en 1939, juste avant une autre guerre. Pourquoi a-t-il fui ? C’est ce que l’histoire va nous apprendre en reprenant tout depuis cet été 1914.  Les différents climats se succèdent : si la première partie est assez gothique, pouvant même rappeler les sœurs BRONTË ou même Wilkie COLLINS par certaines situations et secrets de famille, elle devient carrément pesante après qu’un drame ait eu lieu. On entre soudainement dans un roman suffocant, noir sombre, une sorte de « Rebecca » de Daphné Du MAURIER. Si l’on devait comparer avec le cinéma, on pourrait rapprocher l’atmosphère de ce roman de celle de « Psychose » du grand HITCHCOCK, voire d’un Fritz LANG très noir, ou plus près de nous de « Dédales » de René MANZOR. Car oui dans ce thriller gothique il est bien question de dédoublement de la personnalité (je ne peux pas en dire plus), d’aliénation mentale.

Attention, là encore TREVANIAN touche à de nombreux sujets : l’Histoire et les rites du Pays Basque (il peut se le permettre puisqu’il y a vécu), l’hérédité, le freudisme, la psychologie, la psychanalyse. Et bien sûr il ne peut s’empêcher de partager son antimilitarisme en s’appuyant sur cette première guerre mondiale qui ne va pas tarder à éclater : « En attendant de se faire mutiler à cause de la stupidité et de l’arrogance de vieux politiciens, les jeunes appelés allaient-ils rire et blaguer et s’échanger de cordiales platitudes, comme dans les romans populaires ? La jeunesse de France était-elle donc si crédule ? ». Pourtant son « héros », Montjean, va participer à la boucherie. Pourquoi ? La réponse est évidemment dans le livre et elle glace le sang.

TREVANIAN est cet auteur états-unien mystérieux qui n’a révélé sa vraie identité que quelques années avant sa mort, ce n’est qu’en 1998 que son vrai nom, Rodney WHITAKER, sera enfin confirmé même si un doute planait depuis 1983. Il a voulu qu’on lui foute la paix, qu’on le laisse vivre sa vie d’écrivain, il a souhaité rester dans l’ombre. Il est mort en 2005 après quelques œuvres saisissantes. Celle-ci est peut-être la plus forte. Ce n’est pas un coup de cœur mais un vrai coup de boule dans les naseaux. Ce roman a été écrit en 1983, pourtant c’est seulement il y a quelques mois qu’il a enfin été traduit en français, édité chez GALLMEISTER, et d’ores et déjà je pressens qu’il sera près de la tête de mes favoris pour l’année 2018. Un roman qui me réconcilie avec l’univers du thriller. D’ailleurs, si je voulais, à l’instar de Paul, être arrogant, je vous dirais sans préliminaires : s’il n’y a qu’un thriller à lire, c’est peut-être bien celui-ci. Mais je préfère vous laisser choisir…



(Warren Bismuth)

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