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mercredi 25 décembre 2024

Elise WILK « Disparitions »

 


Pièce en trois actes écrite en langue roumaine en 2019, trois périodes de l’Histoire de la Transylvanie. L’autrice en a bousculé la chronologie, ouvrant sa pièce sur l’année 1989 (chute du mur de Berlin suivie immédiatement de l’exécution du dictateur roumain Nicolae Ceauşescu), enchaînant sur 1944 puis 2006. Cette pièce est tout d’abord un important rappel de l’historique migratoire des allemands en Roumanie au fil des siècles par le truchement d’une famille, rappel également plus global, celui des alliances passées entre le pays et d’autres forces nationales jusqu’à la deuxième guerre mondiale. L’ambiance est tendue, désamorcée par une petite blague tout ce qu’il y a de plus roumaine qui vient comme stopper l’atmosphère lourde en plein vol, d’autant que les faits sont rapportés par une voix off appartenant soit à un disparu, soit à un être pas encore né.

1989 donc. Velléités d’exil d’une part de la population. Et ce geste fort qui a fait le tour du monde : la population perforent le drapeau roumain en découpant les armoiries au centre de celui-ci, le laissant troué. À ce propos j’ai souvenir de cette réaction de Bill Clinton alors que lui avait été offert ce drapeau perforé : « Merci pour le poncho » (je tiens cette anecdote comme tout à fait exacte).

1944. Retour sur les allemands de Transylvanie, pour le moins persécutés en cette période trouble. Alors on se débrouille comme on peut : des mariages arrangés ont lieu pour échapper à la déportation, car il devient difficile pour une femme de porter un nom à consonance allemande dans cette partie de l’Europe. La famille qu’a choisi de suivre Elise WIlk, elle-même roumaine, représente toute cette population allemande de Transylvanie.

2006 et la transmission familiale de la mémoire alors que la Roumanie vient d’entrer dans l’Union Européenne avec ouverture à l’économie de marché. Une nouvelle importante page historique se tourne dans un pays à peine remis de la dictature de Ceauşescu. D’anciens habitants reviennent, en touristes, observant cette évolution sans émotions, seulement d’autres ne sont jamais partis et forcément n’ont ni le même vécu, ni le même regard.

« Disparitions » est une pièce qui met en scène toute la Transylvanie depuis 1944, elle met en avant le sort réservé aux immigrés allemands dans cette région, une histoire peu connue en Europe occidentale. Elle reste pudique, poétique, attachée à ne pas surjouer le malheur, la douleur. Les disparitions sont aussi ailleurs dans le texte : absence de toute majuscule, d’à peu près toute ponctuation. La pièce vient de paraître aux éditons L’espace d’un Instant. Une longue et passionnante préface concernant l’histoire globale de la Transylvanie et la Roumaine est signée par l’historien Bernard Lory, alors que la traduction est assurée par Mirella Patureau.

Et la voici, cette blague tant attendue évoquée plus haut :

« Kathi – une blague encore et c’est fini

donc on sort un timbre avec le portrait de ceauşescu

et ceauşescu va déguisé à un bureau de poste

pour voir comment se vend son timbre

il ne se vend pas dit le fonctionnaire

pourquoi ? demande ceauşescu

on ne peut pas le coller

ceauşescu demande un timbre crache sur la colle le pose sur une enveloppe

et le lui montre

pourquoi dis-tu qu’on ne peut pas le coller ?

voilà on peut.

 

Martha – c’est fini

 

Kathi – oui dit le type de la poste mais tout le monde crache sur l’autre côté ».

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(Warren Bismuth)

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