Un
long titre qui pourtant éclaire tout à fait sur ce que renferme cette BD
historique : un rapport de 1905, considéré comme volé, perdu, puis détruit,
qui refait surface et qui est la trame de ce récit. L’Histoire du Congo est un
labyrinthe, un écheveau très complexe. Cette BD s’attache donc à la partie
française du Congo au tout début du XXe siècle, et particulièrement lorsque
Émile GENTIL en est commissaire général à partir de 1904 (il le sera durant 5 ans).
C’est
pourtant un ancien commissaire général du Congo (entre 1891 et 1897), Pierre
SAVORGNAN DE BRAZZA, qui écrit un
rapport accablant impliquant les hautes autorités françaises d’actes de
barbarie sur le sol congolais envers la population autochtone noire. Il décide en
1905 de rédiger ce rapport après un immonde fait divers dit l’affaire
GAUD/TOQUÉ, le premier administrateur des colonies, le second commis des
affaires indigènes. C’est en 1903 qu’ils ont introduit un bâton de dynamite dans le rectum d’un
homme afin de l’exécuter, mais ce n’est qu’en 1905 que l’affaire éclate.
Il
serait très difficile en quelques lignes de revenir sur les relations, les
faits divers, les mystères, les secrets du couple France/Congo d’alors. En tout
état de cause, c’est bien BRAZZA qui va lancer l’alerte par son rapport dont la
vie aura été particulièrement tumultueuse. Pour l’écrire, BRAZZA se rend à
nouveau sur place, c’est là qu’il voit l’innommable : on torture, on tue,
on fusille. La colonisation devient une loterie, ce sont les débuts de la
fameuse Françafrique. Il va se donner les moyens de dénoncer cette horreur,
même s’il sait qu’il met sa vie en danger.
C’est
ce que raconte cette BD, de la genèse aux conséquences de ce rapport
encombrant (la capitale Brazzaville tient son nom de BRAZZA). C’est
parfaitement documenté et c’est agrémenté d’un dossier solide en fin de volume.
De cette même époque mais pour la partie belge du Congo, l’excellentissime Éric
VUILLARD avait écrit le roman d’un massacre, « Congo », un pays
appartenant plus ou moins au roi belge LEOPOLD II. Dans cette BD, exactement
durant les mêmes dates historiques, Vincent BAILLY et Tristan THIL nous
plongent dans un autre bain de sang, un sang qui a eu du mal à éclabousser
jusqu’en métropole étant donné le mystère longuement gardé à propos du rapport.
Une
BD féroce et efficace qui fait réfléchir, et même si les auteurs s’empressent
d’écrire qu’elle n’est pas exhaustive, elle est néanmoins un précieux témoin
d’une période où les colonies résonnaient comme des camps d’esclavage, voire
d’extermination. Les dessins sont bruts, la ligne assez violente, tout comme
les visages représentés. Mais avec un tel scénario à décrire, on aurait eu du
mal à trouver crédibles des sourires sur fond de rose bonbon. Remarquable
travail, une BD pour ne pas oublier certaines exactions qui ont marqué un
peuple à jamais. Paru chez FUTUROPOLIS en 2018.
http://www.futuropolis.fr/
(Warren BISMUTH)
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