Une
petite cinquantaine de pages agrémentées des dessins tourmentés et tempétueux
en noir et blanc de Georges LE BAYON. Ce qui étonne au début de ce petit
bouquin de Jacques JOSSE, c'est le langage un peu plus populaire qu'à
l'accoutumée : « La valise dort sous le lit. Des fois, surtout les
soirs givrés d'hiver, quand il en a marre de tourner dans sa turne, il sort, la
pose sur la table, ouvre large sa belle gueule en fibrine toute gaufrée
crocodile, y balance, en vrac, des livres, des poèmes, des brouillons… Un
cliché, deux, trois flasques d'alcool fort et un flingue de petit calibre... ».
Pour
le fond c'est définitivement du Jacques JOSSE et son atmosphère simple,
décharnée et pourtant envoûtante (ah, cette écriture qui vous prend aux tripes
pour ne plus vous lâcher, puissance dévastatrice). De petites tranches de vies,
de la poésie en prose entre micro-nouvelles, anecdotes ou faits divers. On ne
sait trop, c'est la force de cet auteur.
Il
y a l'agonie d'un grand-père bientôt libéré du poids de la vie, la solitude
d'êtres bourrus : « Rien, ici, n'attise les anciennes tragédies.
Personne ne demande de larmes à personne ». Il est question de marins,
de curés, de cimetières (fascination), KEROUAC (fascination bis), de la mort
d'Otis REDDING, de poètes errants, col relevé, de ports (celui de Saint Brieuc
notamment), la houle, les cirés, de bars maritimes peuplés de marlous restés à
quai, de suicide bien sûr : « Ben alors, il s'est carrément foutu
en l'air ce con. Il a foncé avec sa bagnole droit dans le bassin mais pas ici
tu comprends, non, Monsieur fait des manières, il va se flinguer là-bas, à
Pétaouchnok, histoire de s'éclater contre le ventre bombé d'un pinardier en
provenance d'Alger », c'est l'occasion de constater que les
« gueules » rencontrées ici se font moins taiseuses que d’habitude,
se livrent plus volontiers, avec une gouaille à la AUDIARD, sans toutefois se
lancer dans de hardis monologues.
Dans
ce récit atypique, on y rencontre peut-être plus de faune, de flore, de nature
vivante et grouillante que dans les autres œuvres de JOSSE. Ce qui ne change
pas : on fête les morts qui sont placés en haut de la pyramide après des
accidents bêtes, quelconques, ou par leur désir de quitter la piste après la dernière
valse. Comme toujours, ces petits faits divers que l'on lit dans les journaux
dans la rubrique des chiens écrasés, en bas de page, pour les plus téméraires
des lecteurs assommés par l’alcool. On prend l'air et on croise un christ
bringuebalant en ferraille rouillée trônant sur une pierre moussue, les bourgs
en friche eux aussi, les trottoirs humides et glissants de la ville, les
ornières de chemins boueux des villages, on trinque aux disparus, morts ou
volatilisés. Car oui certains, bien que pas enterrés, ne sont jamais revenus.
Côté
papier, épais, grumeleux, solide comme pour affronter une tempête. C'est sorti
en 2001 chez Cadex Éditions. C'est précieux. C'est JOSSE.
http://www.cadex-editions.net/-Presentation-
(Warren
Bismuth)
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