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mardi 10 juillet 2018

Jacques JOSSE « Bavard au cheval mort et compagnie»


Jacques JOSSE et son univers unique, dépouillé, épuré, spartiate. La Bretagne, le crachin, des hameaux sans âge, pareil pour les bistrots et leurs patrons, les enterrements avec leurs morts devant, dans des caisses en bois ou des urnes, c'est selon.

Parmi tout ce joyeux peuple, des morts comme des rescapés, défilé des laissés pour compte, des poivrots, des vagabonds aux âmes de poètes ou de philosophes à l'identité bretonne bien ancrée. Le temps est suspendu, en pointillés, place à l'olfactif : odeur de bois mouillé, de mousse, de lichen, de forêt humide au peuple souterrain, tous les sens du corps sont en éveil. Et toujours ces hommages aux trépassés : « À la santé de ceux qui sont dans les tombes ». Et les cloches qui tintent lentement dans un brouillard ne laissant percevoir que des ombres.

Ambiance tellement intemporelle car il y aura toujours des chiens de garde derrière les barrières des propriétés privées pour gueuler sur les étrangers, des bars dans lesquels le temps s'est arrêté, des cimetières humides avec ces tombes ayant ingurgité ces croyances. Les morts, ils sont là, par accident, par cirrhose (non explicite mais ça sent le mélange d'alcools frelatés), par volonté personnelle. Le personnage principal est la lenteur, la paresse.

Le temps s'est comme figé donc, même l'horloge semble tourner au ralenti alors que chaque mot, chaque intonation comptent, au coeur d'un rouage parfaitement agencé : « Vers 15 heures, une longue voiture grise apparaît à la sortie d'un virage. Elle avance entre les broussailles et roule, au ralenti, en direction du bourg. De nombreux suiveurs, vêtus de costumes sombres, essaient de lui sucer les roues. Tous marchent d'un même pas. Leur éloge de la lenteur trouve ici exutoire à sa mesure. Au soleil, près des murs et des herbes sèches... ». Tout est imbriqué, vous arrachez un seul mot et la phrase, le sens, le style se cassent la gueule dans une flaque d'eau boueuse.

On va pleurer un mort et enterrer le XXe siècle, on est quelque part en Bretagne dans un XXIe qui s'apprête à voir le jour. En un peu plus de 60 pages, Jacques JOSSE plante un décor qui restera longtemps à nous hanter, par ses odeurs, ses bruits, ces images, le tout relié sur le zinc d'une taverne cradingue et enfumée ou dans les allées d'un cimetière de bord de mer. JOSSE c'est tout ça en même temps, aucun de ses thèmes de prédilection ne manque dans ce récit sorti en 2004 chez Cadex Éditions. Comme sur d'autres de ses œuvres, les dessins bruts en noir et blanc de Georges LE BAYON accompagnent le cortège.

http://www.cadex-editions.net/-Presentation-

(Warren Bismuth)

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