« Le père de la petite », un livre
sur lequel je suis tombée par hasard, et que j'ai aussi ouvert par hasard,
désabusée par la lecture d'un autre roman. 153 pages de Marie Sizun, avalées
d'une traite, sorties chez Arléa en 2005.
1944, la fin de la guerre approche à grand
pas, à Paris, on sent poindre la libération. Une femme et sa petite vivent
ensemble dans un deux pièces modeste. Un quotidien enchanteur pour la petite
qui chante toute la journée, dessine sur les murs de l'appartement et idéalise
sa maman. Une maman qui l'élève seule car son « petit papa » a été
fait prisonnier de guerre. La maman pleure parfois, sa bouche se tord et la
petite fille, France, 4 ans et demi, ne comprend pas bien ce qui se cache
derrière ces larmes et ce désespoir. Et d'ailleurs c'est quoi un père ?
Figure abstraite dont le portrait trône sur le buffet, cela n'est qu'un
concept. Jusqu'au jour où le téléphone sonne : les prisonniers sont
rapatriés, surtout ceux qui sont malades : le père arrive. Cet inconnu
maigrichon reste quelque temps à l'hôpital puis reprend ses droits sous le toit
familial : la petite doit s'effacer, la petite va se venger.
Roman assez particulier d'une relation
fusionnelle entre une mère et sa fille où la mère va finalement se laisser
phagocyter par le retour du conjoint, du patriarche, qui reprend ses droits et
se met à régenter au carré la vie de famille. La petite France se soumet aussi,
pleine de rancoeur, non contre son père mais contre sa mère qui l'a trahie et abandonnée.
Sa vengeance sera implacable et aura des conséquences désastreuses.
La relation mère/fille n'est pas
centrale : on retient surtout la relation du père, cet inconnu, et de son
enfant, que l'on récupère alors qu'on ne l'a pas éduqué, pas vu grandir, et
bien qu'il soit biologiquement une continuité de nous-même, lui aussi est un
inconnu. Il faut s'apprivoiser et apprendre à s'aimer et cela passe par la
douleur, le rejet, l'abandon, la résignation.
Ce court roman est un vrai moment de grâce,
une jolie histoire d'amour filial sans verser dans le pathos et loin des
clichés déjà surexploités, sur fond de Libération et de jazz.
Un premier roman fort réussi.
(Emilia
Sancti)
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